Séance n°6 (14 novembre) : Droit d'asile et protection des mineurs isolés

Séance n°6

Le droit d'asile et la protection des mineurs isolés

Textes fondamentaux 

Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, Article premier

DÉFINITION DU TERME “RÉFUGIÉ”

A. Aux fins de la présente Convention, le terme “réfugié” s’appliquera à toute personne :

(…)

(2) Qui, (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

(…)

D. Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention.

 

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ;

c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies

 

Charte des droits fondamentaux,18 décembre 2000, (2000/C 364/01),

Article 24 « Droits de l'enfant »

« 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ».

 

 Code civil, Article 388, Modifié par LOI n°2016-297 du 14 mars 2016 - art. 43

« Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis.

Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé.

Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé.

En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires ».

 

CAS PRATIQUES

 

Vous venez d’être recruté comme bénévole au sein d’une association d’aide aux personnes migrantes. On vous confie leur accompagnement juridique tout au long de la procédure d’asile.

(La résolution de ces cas implique une analyse par étape de la situation juridique. Il s’agit d’informer, de conseiller et de proposer des solutions à des personnes qui ont peu de connaissances juridiques)

 

 

1.      Ihlan, 10 ans, est ressortissant syrien. Après avoir fui son pays avec ses parents, ceux-ci rassemblent leurs économies pour le mettre dans un bateau à destination de l’Europe. Ihlan arrive à Lesbos déshydraté, mais vivant. Lors de la procédure d’enregistrement, il est identifié comme mineur isolé et se voit placé pendant 10 jours dans un centre de premier accueil, en attendant que se libère une place dans un centre d’accueil de longue durée. Ihlan, qui a entendu que la Grèce ne compte que cinq centres pour mineurs étrangers non accompagnés, d’une capacité de 25 à 50 places chacun, fugue – comme plus de 80% des jeunes dans sa situation. Il a en effet entendu parlé d’un accord entre l’Union européenne et la Turquie, et craint d’y être envoyé pour travailler douze heures par jour à repasser les vêtements pour Mark and Spencer, Zara, et Mango.

Il erre alors sur les routes pendant des mois, se cachant des autorités de police. Il arrive finalement à Bordeaux, dans votre bureau.

Son souhait est de rejoindre son frère, qui vit depuis plusieurs mois au Royaume uni.

S’il n’y parvient pas, il vous confie avoir pour projet de se rendre à Calais pour tenter sa chance par des moyens moins respectueux du cadre légal.

 

 

2.      Baïna et Vladimir sont des ressortissants russes d’origine tchétchène nés en 1981 et 1984. Ils sont parents d’un bébé de 10 mois. Accusés de collaboration avec la rébellion tchétchène, et craignant d’être persécutés par les autorités russes, Baïna et Vladimir ont décidé de quitter la Fédération de Russie avec leur enfant. Leur demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA en raison de leur récit jugé « impersonnel et stéréotypé », et leur séjour refusé.

 

Ils font alors l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et d’une assignation à résidence dans le délai. Conduits à l’aéroport, ils refusent d’embarquer, ce que le préfet considère alors comme une volonté délibérée de se soustraire à l’exécution de la mesure d’éloignement. La famille est ainsi placée en rétention administrative au centre de rétention administrative de Toulouse-Cornebarrieu pendant 20 jours (le CRA de Bordeaux, situé au sous sol de l’hôtel de police, ne reçoit ni famille, ni mineurs). Ils vous demandent conseil.


Liste des documents : 

- Guide du demandeur d’asile en France, édité par la Direction générale des étrangers en France (Ministère de l’Intérieur), novembre 2015

- RÈGLEMENT  (UE)  No 604/2013  DU  PARLEMENT  EUROPÉEN  ET  DU  CONSEIL du  26  juin  2013 établissant  les  critères  et  mécanismes  de  détermination  de  l’État  membre  responsable  de  l’examen d’une  demande  de  protection  internationale  introduite  dans  l’un  des  États  membres  par  un ressortissant  de  pays  tiers  ou  un  apatride  (dit Règlement Dublin III)

- Note d’information, CEDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, req. n°39472/07

- GELBLAT (A.), « La CEDH et la pratique française de rétention des mineurs étrangers : L’impossibilité pratique plutôt que l’interdiction de principe ? », 31 août 2016

- BAUMARD (M.), Rob Lawrie, dernier exemple de poursuite pour « délit de solidarité », LE MONDE | 14.01.2016

- ANGIVIEL (M.), Une juridiction britannique ordonne l’admission au Royaume-Uni de mineurs isolés vivant dans la « jungle » de Calais, Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, mars 2016 

-Décision du défenseur des droits MDE 2016-113 du 20 avril 2016