Séance n°15 Justice climatique et responsabilité de l'Etat
Séance n°15. Travaux dirigés .
Justice climatique et responsabilité de l'Etat
Cas pratique :
Un drame écologique se déroule depuis plusieurs années en Gironde. L’esturgeon européen est gravement menacé et sa population s’affaiblit progressivement. Plusieurs réglementations ont été mises en place aux niveaux supranational et national pour préserver l’espèce.
En 2007, le comité permanent de la convention de Berne a adopté un plan d’action pour la conservation et la restauration de l’Esturgeon européen. Le 22 mai 2019, la Commission Européenne et les experts des États membres de l'Union Européenne ont approuvé la mise en œuvre d'un plan d'actions paneuropéen pour les esturgeons présenté par la World Sturgeon Conservation Society et le WWF lors de la 38ème réunion du comité permanent de la Convention de Berne.
En France, un plan national d’actions pour l’esturgeon européen a été validé et mis en œuvre de 2011 à 2015. Conformément à la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, un second plan national d’actions a été mis en place en faveur de l’esturgeon et s’inscrit dans une démarche à long terme, s’étalant sur la durée 2020-2029. Ce plan détermine les objectifs à atteindre pour protéger efficacement l’espèce.
Un rapport d’experts a mis en évidence l’urgence de la situation des esturgeons en Gironde. En effet, l’affaiblissement de l’espèce est aujourd’hui critique : les efforts de préservation doivent être menés au plus vite. L’espèce ne se reproduit plus naturellement et sa survie dépend complètement de l’action humaine. Plus encore, le rapport met en exergue les conséquences globales que pourrait avoir la disparition de l’esturgeon sur l’écosystème aquatique de la Gironde. En bref, il faut agir vite !
Alertées par ce rapport, plusieurs associations souhaitent mettre fin à cette catastrophe :
- L’association « Protégeons l’écosystème de l’estuaire girondin » qui, depuis sa fondation en 1997, œuvre pour sensibiliser les populations locales et les autorités publiques au sujet de la destruction de l’écosystème de l’estuaire en organisant des actions militantes mais aussi des activités de médiation scientifique. En 2015, l’association a spécifiquement organisé une manifestation sur le bilan du premier plan national d’actions pour l’esturgeon européen.
- L’association « Les représentants de la Terre », créée l’an dernier et non agréée, qui est composée de juristes spécialisés en droit de l’environnement et a précisément pour objet d’agir juridiquement pour préserver l’écosystème et limiter les effets de la crise environnementale.
- L’association « Tous à l’école ! », qui a pour objet l’ouverture de l’éducation et de l’enseignement supérieur aux enfants et jeunes défavorisés et qui considère que la destruction de l’estuaire, parce qu’elle concerne les générations futures, doit être arrêtée au plus vite.
Ces associations souhaitent attaquer le ministère en charge de l’environnement pour que soient réparés différents préjudices qu’elles considèrent établis. En effet, elles considèrent que l’État aggrave fortement la situation déjà désastreuse des esturgeons. Selon elles, il n’a pas adopté de mesures permettant de lutter contre leur disparition. Surtout, il a l’an dernier jeté moins de larves et de juvéniles dans l’estuaire que ce qui était prévu par le plan national d’actions, ce qui compromet la réussite des objectifs fixés pour les trois prochaines années car le pourcentage de survie des individus est si faible que cela empêchera la reproduction des espèces pendant les prochaines saisons.
Avant de former un recours en justice, elles vous consultent pour obtenir vos conseils.
1. Vers quelle juridiction doivent-elles se tourner ?
2. Peuvent-elles toutes agir en justice pour demander la réparation de ces préjudices ?
3. D’abord, sur la question du préjudice écologique, elles ont besoin de vos éclairages.
a. Un préjudice écologique peut-il être regardé comme établi ?
b. Les éléments qui vous sont rapportés peuvent-ils permettre d’engager la responsabilité de l’État ?
c. Le ministère avance quant à lui que même s’il n’a pas respecté le nombre de larves et de juvéniles qu’ils ont mis dans l’estuaire l’an dernier, il l’a respecté cette année. Cela vous semble-t-il de nature à l’exonérer de sa responsabilité ?
d. Si la responsabilité de l’État était engagée, comment s’opèrerait la réparation du préjudice écologique ? Est-il possible d’enjoindre à l’État de doubler le nombre d’individus lâchés dans l’estuaire pour les six prochaines années ? De plus, elles aimeraient obtenir 100€ symboliques : est-ce possible ?
4. Ensuite, sur la question du préjudice moral, elles ont quelques doutes.
a. Un préjudice moral peut-il être regardé comme établi ?
b. Pourraient-elles obtenir 1€ symbolique chacune en réparation de ce préjudice ?
Vous vous efforcerez d'être pédagogue en expliquant aux associations qui vous consultent l’état du droit applicable et leurs chances de réussite.